RM 11.80, Coureur de fond bien stylé

Après un petit-déj roboratif pris à l’hôtel « Aux Gens de Mer » à La Rochelle, nous rejoignons les Minimes où nous attend le dernier-né du chantier RM Yachts, le 11.80. Il est 9 heures pétantes, les rayons de l’astre dardent déjà, le vent est aux abonnés absents. On dirait le Sud avec une légère menace de canicule…

Un air de famille typiquement RM, associé à un style évoquant la course au large.

Le voici, le RM 11.80 dans sa parure rouge vif constellée de pois noirs. Son image se reflète dans l’eau à peine troublée du port. On dirait cet insecte sympathique grand amateur de pucerons… Sans jouer plus longtemps à l’apprenti entomologiste, force est de constater le pouvoir de séduction du successeur du 10.70. De profil, la ligne frappe par son harmonie : étrave inversée, bouchain haut dégageant une impression de puissance qui s’affine avec élégance à mesure que l’on recule vers une poupe resserrée. Cette nouvelle carène dessinée par Marc Lombard donne au 11.80 un style qui évoque la course au large et rappelle les célèbres Class 40 et, dans une certaine mesure, le Sun Odyssey 410 issu du crayon du même architecte.Bref, il a vraiment-vraiment du charme ce nouveau RM avec sa splendide tonture inversée du pont ! Rien d’étonnant que cet étalon ait déjà tapé dans l’œil de 25 propriétaires en 2022 et que le carnet de commandes compte une trentaine d’unités à livrer en 2023…

Sortie en mer dans les petits airs

 

Hélas, trois fois hélas, un « temps de demoiselle » semble bien s’installer pour la journée. Pas plus de 5 nœuds de vent, et encore… Dire que dans ces conditions, réaliser un essai digne de ce nom est satisfaisant, c’est sans doute aller un peu loin. Toujours est-il que nous prenons bientôt le large dans ce que l’on appelle “de petits airs”. Une fois sortis du port au moteur, la grand-voile est prestement hissée ainsi que le code zéro. Nous déhalons sans coup férir pour atteindre une vitesse de 4 nœuds que nous ne dépasserons d’ailleurs pas tout au long de cette matinée… La seule sensation est la facilité avec laquelle l’engin démarre au moindre bruissement de vent. Quelques virements de bord s’enchaînent dans une quasi pétole, le RM  se montre très agile, aidé par une barre ultra-précise. Au-delà de ce point positif où l’on apprécie le comportement très sain du bateau, il nous est évidemment difficile d’en dire plus sur les véritables capacités du RM 11.80 dans le gros temps et par mer formée… Une seule chose est sûre, le rapport poids, puissance de carène et surface de voile est exemplaire, surtout quand l’on sait que l’architecte a toujours cherché à concevoir des croiseurs maniables.

Accastillage haut de gamme

Au piano, l’accastillage de série s’avère de très belle tenue. Les deux winches hauts Lewmar asservis aux drisses, bosses de ris, hale-bas et écoute de grand-voile se distinguent facilement des deux winches bas dédiés aux écoutes des voiles d’avant et aux bastaques. Le gréement courant est signé Ino Rope, un mateloteur concarnois réputé.

Un cockpit spacieux et un intérieur itou

RM signifierait-il en toute simplicité : Raisonnablement Minimaliste…, comme un auteur se plaisait à l’écrire jadis à la sortie du RM 900 ? L’expression semble bel et bien avoir vécu tant l’aspect pratique,

l’ergonomie et le confort semblent avoir guidé la réflexion du chantier. La largeur de la carène est exploitée à fond tant sur le pont qu’à l’intérieur où la luminosité du carré est encore accrue par la présence de planchers en bambou traité. Tout a été fait pour préserver l’énorme volume disponible, digne d’un bateau de grande croisière, et y intégrer un maximum d’espaces de rangement. La table en teck du carré accueille jusqu’à sept convives (8 si nécessaire). Les deux cabines arrière ont des couchettes identiques. Celle de tribord, réduite par un cabinet de toilette, manque d’équipets. Beaucoup lui préféreront un aménagement en atelier ou des lits superposés. Le ressenti est celui d’un habitacle moderne, épuré. Certains diront dépouillé. La cuisine est fonctionnelle, sans plus (un seul évier). Quant à la hauteur sous barrots dans le carré, elle est partout supérieure à 1,90 m., ce qui ne devrait déplaire à personne.

RM Yachts, le credo du bois

La visite d’un chantier naval en pleine activité a des côtés fastidieux (va-et-vient incessant, commentaires du guide évanouis dans le brouhaha général… ) mais elle a aussi l’avantage de faire visualiser très concrètement le sérieux de la fabrication. La balade démarre par la découverte de palettes de contreplaqué en okoumé et se poursuit par celle du mannequin, c’est-à-dire l’ensemble des gabarits de couples montés dans la forme du voilier. Ensuite, l’assemblage des panneaux de bois va permettre la stratification en veillant bien à masquer les différents joints, en particulier ceux des bouchains.

 César Dohy, Sales Manager : « Quand on voit un RM, on n’imagine pas nécessairement qu’il s’agit d’un bateau construit selon une technique née dans les années 50 et qui a vu la fabrication de pas mal de multicoques en bois époxy. Ce type de construction permet d’obtenir un faible déplacement, une forte rigidité de structure et une grande facilité d’entretien ». « En particulier » poursuit-il, « les bouchains sont la résultante du matériau employé, en l’occurrence ici le bois, qui ne peut se soumettre à certaines flexions trop extrêmes et qui ne se courbe que dans une seule direction ». Alors, pourquoi choisir du contreplaqué, un matériau apparemment délicat à mettre en œuvre ? « Le contreplaqué a énormément d’avantages » explique César Dohy. 

« C’est d’abord un matériau intéressant en termes de résilience. Et contrairement à ce que l’on croit, il est même adapté à la construction de très gros bateaux, comme certaines unités de 30 m. de long imaginées par l’architecte Van De Stadt aux Pays-Bas ». Autre avantage : il est imperméable et imputrescible. Les points névralgiques sont stratifiés, comme tous les croisements de bois, parce que le contreplaqué sert aussi à immobiliser les bordés. « J’ajouterais que le bordé du RM 1180 est en composite comme le pont et c’est une exclusivité de ce modèle ». A propos de la liaison coque-pont, précisons que la reprise monolithique de pont s’opère par collage et vissage. Le haut de la coque vient se déposer sur un barreau en bois qui court tout autour du bateau et qui va servir à un joint de collage et lui permettre de devenir structurel. D’ailleurs, c’est ce joint qui va accueillir les pièces d’accastillage.

La couleur de la coque, un choix cornélien …

Chose rare, la couleur de la coque est au choix du client. La coque est mise en peinture directement après la stratification. La technique semble bien maîtrisée : la coque est tout d’abord dépolie, avant pose d’un bouche-pores, dépoli à son tour avant passage d’un primaire d’accroche. Sur ce primaire, également dépoli, sont déposées trois couches de laque polyuréthane étendues au pistolet à la main. En principe, le tout nécessite une couche d’entretien tous les dix ans.

Phase finale avant livraison

Celle-ci voit la quille solidarisée au bateau. Le chantier propose trois types d’appendice : biquille, quille classique et quille relevable. Cette dernière pivote via un axe métallique monté sur une bague de friction en composite. Le mot de la fin revient à César Dohy : « Si on devait caractériser ce chantier, je dirais que l’ADN de RM est de construire des bateaux en bois, et pour chaque unité, de donner le plus possible la priorité à ce matériau noble. Je précise enfin que si les RM restent des bateaux de série, il existe toujours un certain degré de personnalisation… ».

Descriptif technique RM 11.80

Architecte : Cabinet Marc Lombard

Longueur HT : 13,05 m

Longueur flottaison : 11,80 m

Largeur : 4,37 m

Tirant d’eau : 2,25 m

Déplacement : 7 T

Lest : 1, 975 T

Surface de voile au près : 92 m2
Grand-voile : 47 m2

Génois : 45 m2

Trinquette : 25 m2

Spi asymétrique : 150 m2

Matériau : CP époxy, sand. verre/époxy

Motorisation : Volvo 50 CV

Réservoir carburant : 105 l

Réservoir haut : 2 x 150 l

Prix standard : biquille, mono-safran, gv & génois inclus : 271 950 € HT

Prix du modèle essayé  : 340 000 € HT

Livraison : 12 mois

25 unités vendues en 2022, 30 commandées pour 2023 : un succès commercial logique pour un voilier
de cette qualité.

Testé dans le petit temps, le 11.80 peut aussi fort bien allonger la foulée…

 

Alexandre Homez